Ces jeunes filles qui se marient par téléphone

A Conakry, le téléphone portable ne nous a pas apporté que du bien. Discrètement, il a occasionné beaucoup d’illusions et de déceptions. Les filles qui se sont téléphoniquement fiancées à un copain parti en Europe ou tout simplement à un homme de la diaspora en savent quelque chose. Même si beaucoup d’entre elles n’ont pas le courage de l’avouer, nous les garçons physiquement présents et qui sommes relayés au rang de « premier Gaou » dans ces histoires de cœurs, avons compris ce petit jeu. Il suffit d’être patient pour gagner.
Les filles, quant à elles, cherchent le raccourci
Il est très rare que les filles soient tentées par l’immigration clandestine. Le plus souvent, ce sont les garçons qui prennent le chemin de l’Europe ou de l’Amérique (à la recherche de ce qui est connu de tous). Les filles, quant à elles, cherchent le raccourci : elles veulent se marier coûte que coûte aux miraculés qui y arrivent ou à ceux qui y vivent pour d’autres raisons. C’est vrai. Ce que femme veut, dit-on, Dieu veut. Une fois le contact établi, le premier geste attendu de l’homme est le téléphone portable dernier cri (différent de Made in China) qui la mettra en valeur aux yeux de ses amies. Du coup, ce téléphone remplace les traditionnelles dix noix de colas exigées jusque là pour les fiançailles et le mariage par une partie importante de la population guinéenne. Le projet est donc en marche et la jeune fille n’attend que le mariage pour rejoindre son mari.
Elles sont très connues dans les quartiers. Téléphone collé à l’oreille durant des heures et des heures, assises sur une chaises dans un coin de la cour, se promenant quelque fois aux alentours de la maison ou au bord de la route, ces filles « fiancées de loin » passent la moitié de la nuit à causer de tout et de rien avec leur futur mari (qui ne vient toujours pas). Les plus chanceuses obtiennent le mariage mais, là encore, la tradition en prend pour son grade.
Déguiser un de ses jeunes frères en mari
Et bien, tout a l’allure d’un vrai mariage. Le consentement des différentes familles est souvent obtenu grâce au courage du mari qui multiplie les appels pour faire aboutir les négociations. Le mariage religieux est célébré à la mosquée, le civil à la mairie en présence de témoins, les folklores et autres confèrent au mariage tout son caractère pompeux. Malheureusement, il n’y a qu’un seul absent : le mari en personne ! Mais ce n’est pas si grave car c’est une pratique courante. La solution consiste à déguiser l’un de ces jeunes frères en mari. Quel couple !
Notamment de 2000 à nos jours, le téléphone portable a arrangé un nombre important de mariages à Conakry. Cependant, ces couples, comme vous le savez bien, ne se fréquentent que par téléphone pour la simple raison que le mari cherche les papiers pour lui d’abord, ensuite pour sa femme. Mais comme trop de patience nuit, cette dernière est souvent obligée de se débrouiller ailleurs en attendant que le Monsieur (qui ne fait que chauffer le tympan) soit dans les conditions régulières. Alors si vous avez écouté le Premier Gaou du groupe Magic System, c’est à vous de deviner la suite de cette histoire… 😉
Commentaires